Rapport sur le cas - Pont Blue Water Canada (juin 2013)
Conclusions du commissaire à l'intégrité du secteur public dans le cadre d'une enquête concernant une divulgation d'actes répréhensibles
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ISBN : 978-0-660-20944-9
Table des matières
- Lettres
- Avant-propos
- Mandat
- La divulgation
- Résultats de l'enquête
- Aperçu de l'enquête
- Résumé des conclusions
- Conclusion
- Recommandation du commissaire
- Commentaires supplémentaires fournis par PBWC
Lettres
L’honorable Noël A. Kinsella
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario) K1A 0A4
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions d’une enquête du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre du Pont Blue Water Canada, rapport qui doit être déposé au Sénat conformément aux dispositions du paragraphe 38 (3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.
(La version originale a été signée par)
Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Ottawa, juin 2013
L’honorable Andrew Scheer, député
Président de la Chambre des communes
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous présenter le Rapport sur le cas concernant les conclusions d’une enquête du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre du Pont Blue Water Canada, rapport qui doit être déposé à la Chambre des communes conformément aux dispositions du paragraphe 38 (3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.
(La version originale a été signée par)
Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Ottawa, juin 2013
Avant-propos
Je vous présente le présent rapport sur le cas, qui fait état d’actes répréhensibles avérés et que j’ai déposé devant le Parlement conformément à la Loi sur protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi).
La Loi a été adoptée pour offrir un mécanisme de dénonciation confidentiel dans le secteur public afin de prévenir et de sanctionner les cas d’actes répréhensibles. Le régime de divulgation établi par la Loi a pour but non seulement de faire cesser ces actes et de prendre des mesures correctives, mais aussi d’avoir un effet dissuasif dans l’ensemble du secteur public fédéral. La Loi exige donc que les cas d’actes répréhensibles avérés fassent l’objet d’un rapport au Parlement, ce qui constitue un puissant outil de transparence et de responsabilité à l’égard du public.
Le présent rapport fait état d’un usage abusif des fonds publics et d’une contravention grave d’un code de conduite par le président et chef de la direction d’une société d’État en Ontario. Le Commissariat a fait des efforts considérables pour sensibiliser les fonctionnaires au sujet de notre travail et de la manière dont nous l’effectuons. Il est encourageant de constater que des fonctionnaires des régions font confiance au Commissariat et divulguent des actes répréhensibles.
Lorsqu’un fonctionnaire fait une divulgation, que ce soit au Commissariat, à son superviseur ou à l’agent supérieur chargé de recevoir les divulgations au sein de son organisme, il démontre que la Loi est un mécanisme important de renforcement de la confiance envers l’ensemble du secteur public fédéral.
Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public
Mandat
Le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada est un organisme indépendant créé en 2007 pour établir un mécanisme sécuritaire et confidentiel permettant aux fonctionnaires ou aux citoyens de divulguer des actes répréhensibles commis dans le secteur public ou liés à celui-ci. Plus précisément, le Commissariat a pour rôle d’enquêter sur les allégations d’actes répréhensibles et les plaintes en matière de représailles dans le secteur public.
L’article 8 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la Loi), définit l’acte répréhensible de la manière suivante :
a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;
b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;
c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;
d) le fait de causer – par action ou omission – un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;
e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;
f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).
Selon la Loi, l’objet des enquêtes concernant les divulgations d’actes répréhensibles vise à attirer l’attention de l’administrateur général de l’organisme sur les conclusions qui en découlent et de faire des recommandations afin que des mesures correctives soient prises.
En application du paragraphe 38(3.3) de la Loi, le commissaire doit faire rapport au Parlement des cas d’actes répréhensibles avérés dans les soixante jours suivant la conclusion de son enquête. Le présent Rapport sur le cas traite de l’enquête et des conclusions concernant la divulgation d’actes répréhensibles faite au Commissariat.
La divulgation
Le 21 février 2012, le Commissariat a reçu une divulgation protégée visant M. Charles Chrapko, qui était alors président et chef de la direction de Pont Blue Water Canada (PBWC).
PBWC est une société d’État mère au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Elle est responsable de la construction et de l’administration de deux ponts qui relient Point Edward et Sarnia (Ontario) à Port Huron (Michigan). Elle est aussi responsable d’équiper et d’entretenir les installations qui servent à l’interrogation et à la détention de personnes ainsi qu’à l’inspection de marchandises par les agents des douanes canadiens. De 2007 à 2012, inclusivement, les recettes annuelles moyennes de PBWC s’élevaient à 22 175 000 $. M. Chrapko a été nommé président et chef de la direction de PBWC le 24 novembre 2006.
Selon le ou les divulgateurs, M. Chrapko a accordé deux indemnités de départ excessives, en 2008 puis en 2011, à deux gestionnaires de PBWC qui étaient alors mariés.
Il était donc allégué que les décisions de M. Chrapko au sujet de ces indemnités constituaient des actes répréhensibles au sens des alinéas 8b), c) et e) de la Loi, à savoir l’usage abusif des fonds publics, un cas grave de mauvaise gestion et la contravention grave d’un code de conduite.
En juillet 2012, après une analyse approfondie des renseignements fournis, j’ai lancé une enquête afin d’établir si M. Chrapko avait commis des actes répréhensibles au sens de ces dispositions.
Résultats de l'enquête
L'enquête a révélé que:
- M. Chrapko a fait un usage abusif des fonds publics et il a contrevenu de manière grave au Code d'éthique et de conduite des membres de la supervision de Pont Blue Water Canada (Blue Water Bridge Canada Code of Ethics and Conduct for Members of Supervision) en :
- Accordant des indemnités de départ excessives, totalisant plus de 650 000 $, à deux gestionnaires de PBWC.
- Les renseignements obtenus durant l'enquête n'étayent pas l'allégation selon laquelle les décisions de M. Chrapko constituaient un cas grave de mauvaise gestion.
Aperçu de l'enquête
L’enquête, dirigée par Stéfanie Dumas, du Commissariat, a été lancée le 31 juillet 2012.
Comme l’exige la Loi, PBWC nous a volontiers donné accès aux locaux et fourni les renseignements nécessaires en cours d’enquête.
Après la collecte et l’analyse initiales de renseignements, y compris une entrevue entre l’enquêteure et M. Chrapko le 19 septembre 2012, j’ai conclu qu’il existait des motifs suffisants pour tirer une conclusion en matière d’actes répréhensible qui serait susceptible de nuire à M. Chrapko.
Par conséquent, le 21 décembre 2012, le Commissariat a fait part de ses conclusions préliminaires à M. Chrapko afin de lui donner l’occasion d’y répondre, conformément à l’obligation que m’impose le paragraphe 27(3) de la Loi, c’est-à-dire de donner aux personnes qui font l’objet d’allégations susceptibles de leur nuire toute possibilité d’y répondre.
Lorsque j’ai tiré mes conclusions préliminaires, j’ai jugé qu’il y avait aussi lieu de permettre au greffier du Conseil privé de présenter des observations, car les allégations en cause visaient le chef de la direction de PBWC, qui est nommé par le gouverneur en conseil. J’ai donc fourni une copie de mes conclusions préliminaires à M. Wayne Wouters. J’ai aussi estimé nécessaire de transmettre mes conclusions préliminaires au ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, l’honorable Denis Lebel, comme le prévoit l’article 37 de la Loi.
M. Chrapko a répondu à mes conclusions préliminaires le 17 janvier 2013, puis il a fourni des renseignements supplémentaires, à la demande de l’enquêteure, le 21 février 2013. M. Chrapko m’a aussi informé par écrit de sa décision de démissionner de PBWC en date du 15 mars 2013.
Pour tirer mes conclusions, j’ai tenu compte de tous les renseignements reçus en cours d’enquête.
Résumé des conclusions
Usage abusif des fonds publics
J’ai conclu que M. Chrapko avait fait un usage abusif des fonds publics à deux reprises, à savoir lorsqu’il a accordé deux indemnités de départ excessives.
L’« usage abusif des fonds publics » s’entend notamment des dépenses faites sans l’autorisation nécessaire, qui sont illégales ou qui sont contraires à la loi, à la réglementation, aux politiques ou aux procédures applicables. Les acquisitions inutiles qui représentent du gaspillage et qui ne correspondent pas aux besoins organisationnels et opérationnels de l’organisation constituent aussi un usage abusif des fonds publics
Conclusion quant à la première indemnité de départ excessive (gestionnaire des ressources humaines (RH))
À la suite d’une plainte de harcèlement fondée contre la gestionnaire des RH, il a été décidé que cette dernière devait être licenciée. Le chef de la direction et le conseil d’administration de PBWC (le CA) ont convenu de traiter l’affaire comme un départ à la retraite. Dans les observations qu’il a présentées au Commissariat le 17 janvier 2013, M. Chrapko a affirmé [TRADUCTION] « le CA affirmait catégoriquement que les 31 années de services de [gestionnaire des RH] au sein de l’organisation ne justifiaient pas un “licenciement motivé”, mais plutôt un “licenciement sans motif” et l’indemnité de départ maximale ».
L’indemnité de départ de la gestionnaire des RH totalisait 366 000 $, ce qui représentait 36 mois de salaire et d’avantages continus.
En 2008, PBWC n’avait pas de politique en vigueur au sujet des indemnités de départ. Par ailleurs, l’indemnité de départ accordée à la gestionnaire des RH n’était pas conforme à la Politique de cessation d’emploi de PBWC, car elle n’avait pas l’âge minimum nécessaire pour avoir droit à des prestations de retraite. La gestionnaire des RH n’a donc pas seulement touché des prestations de retraite, elle a aussi reçu une continuation du salaire pour 36 mois.
M. Chrapko a expliqué que les indemnités de départ généreuses étaient acceptables à PBWC au moment du départ de la gestionnaire des RH. Il a affirmé que cette dernière avait menacé de poursuivre PBWC, car elle savait de quelle manière d’autres anciens employés de PBWC avaient été indemnisés par le passé. L’enquêteure a souligné que les circonstances dans lesquelles les trois anciens employés mentionnés avaient quitté PBWC n’étaient pas comparables à celles du départ de la gestionnaire des RH.
En outre, M. Chrapko a présenté au Commissariat une « analyse de rentabilité » qui justifiait que PBWC accepte d’offrir une indemnité correspondant à 12 mois à la gestionnaire des RH, en plus de ce qui lui avait été offert initialement, et ce, afin de réduire au minimum le risque de perdre les services du gestionnaire de projet, qui était marié avec la gestionnaire des RH, compte tenu du rôle du gestionnaire de projet dans un projet d’immobilisations important de PBWC. L’« analyse de rentabilité » de M. Chrapko reposait notamment sur son estimation de la valeur projetée du gestionnaire de projet pour PBWC, qui se situait entre 700 000 $ et 7 000 000 $.
Pour ce qui est du rôle du CA dans la décision sur l’indemnité de départ, il est raisonnable de conclure, au vu de la preuve, que les membres du CA ne s’opposaient pas à cette décision. Néanmoins, à titre de chef de la direction, c’est M. Chrapko qui était le responsable ultime de la gestion des ressources financières de PBWC. Le Commissariat a donc jugé que l’approbation tacite du CA n’était pas pertinente à l’égard de l’allégation d’usage abusif des fonds publics.
En l’espèce, il était peut-être nécessaire de tenir compte des années de services de la gestionnaire des RH pour établir son indemnisation de départ, mais rien n’exigeait de lui accorder 36 mois de salaire et d’avantages à partir des fonds publics. Compte tenu de l’ensemble des circonstances et des faits liés au départ de la gestionnaire des RH, j’ai conclu que M. Chrapko a commis un acte répréhensible au sens de l’alinéa 8b) de la Loi lorsqu’il a accordé une indemnité de départ excessive à la gestionnaire des RH en 2008.
Conclusion quant à la seconde indemnité de départ excessive (gestionnaire de projet)
M. Chrapko a aussi accordé une indemnité de départ excessive à un autre gestionnaire, qui était marié à la gestionnaire des RH.
En août 2011, alors qu’aucune politique sur la cessation d’emploi n’était en vigueur, M. Chrapko a proposé que le gestionnaire de projet reçoive une indemnité de cessation d’emploi correspondant à 36 mois de salaire après que le gestionnaire eut annoncé qu’il allait prendre sa retraite en juillet 2011. M. Chrapko a justifié 24 de ces 36 mois au CA en faisant référence à un plan de départ volontaire (le PDV de 2009) de PBWC, qui était toutefois expiré. Il a expliqué que les 12 mois restants représentaient un [TRADUCTION] « remerciement ». Cependant, il a été souligné que le gestionnaire de projet avait reçu une somme supérieure à ce que prévoyait le PDV de 2009, lequel avait été adopté en 2009 comme moyen stratégique de réduction des frais de main-d’œuvre. M. Chrapko a justifié ce montant excédentaire en expliquant qu’il correspondait à des heures supplémentaires que le gestionnaire de projet n’avait jamais réclamées.
Après des discussions avec le CA, l’offre de 36 mois a été réduite à une indemnité de départ de 24 mois et un an de salaire de maintien en fonction afin d’encourager le gestionnaire de projet à revenir à PBWC dans un nouveau poste. Ce salaire de maintien en fonction donnait au gestionnaire de projet la souplesse de travailler à sa guise, à partir du bureau ou de chez lui, tout en étant rémunéré comme s’il travaillait à temps plein, et ce, pour une période d’un an qui pouvait être renouvelée annuellement. Le gestionnaire de projet est revenu à PBWC pour occuper ce nouveau poste en septembre 2011, sans interruption de service. À l’inverse, les postes devenus vacants en application du PDV de 2009 n’ont pas été pourvus par la suite.
En octobre 2011, une personne a déposé une plainte de harcèlement sexuel contre le gestionnaire de projet. Ce dernier a pris sa retraite de PBWC une deuxième fois, en décembre 2011, avant la conclusion de l’enquête sur la plainte de harcèlement sexuel.
L’indemnité de départ du gestionnaire de projet totalisait 292 000 $, ce qui correspondait à 24 mois (104 semaines) de salaire et d’avantages continus. La portion de cette indemnité que le Commissariat juge excessive est 211 000 $, c’est à dire 75 des 104 semaines de salaire et d’avantages continus que le gestionnaire de projet a reçues en 2011, ce qui dépassait la norme dans le secteur public à cette époque (à savoir une semaine de rémunération par année de service).
M. Chrapko a justifié la généreuse indemnité de départ accordée au gestionnaire de projet en affirmant que ce dernier avait fait épargner des millions de dollars à PBWC au fil des années. D’abord, bien que cela soit peut-être vrai, le gestionnaire de projet était rémunéré pour faire son travail et l’une de ses responsabilités principales était de veiller à ce que les projets respectent les budgets et les délais. Le gestionnaire de projet avait aussi été récompensé au moyen d’augmentations de salaire au mérite annuelles, ce qui a représenté une augmentation de 72 % sur dix ans. En outre, PBWC avait déjà tenu compte de l’augmentation de la charge de travail et des responsabilités du gestionnaire de projet au début d’un grand projet d’immobilisations, en lui accordant des augmentations de salaire au mérite en juillet 2007 (8,00 %) et en décembre 2007 (7,78 %).
Puisque M. Chrapko n’a présenté aucun élément de preuve documentaire justificatif, il est impossible de déterminer de manière fiable les économies que le gestionnaire de projet avait permis à PBWC de réaliser, si même cette considération était pertinente. Il semble que la majorité des éléments sur lesquels M. Chrapko a fondé ses conclusions sur les réalisations du gestionnaire de projet provenaient directement de ce dernier. Par conséquent, je ne peux pas conclure, comme l’a fait M. Chrapko, que la décision d’accorder les deux indemnités de départ en cause (à la gestionnaire des RH et au gestionnaire de projet) [TRADUCTION] « représentaient un avantage net pour le public » ou que [TRADUCTION] « les deux indemnités de départ étaient des investissements qui ont permis à PBWC d’épargner des millions de dollars en frais de construction ».
J’ai aussi noté que la proposition d’août 2011 de M. Chrapko quant à l’indemnité de départ n’était pas conforme aux conseils qu’il avait reçus de Transports Canada à ce sujet, comme en témoigne une lettre envoyée par le ministre à PBWC en janvier 2012 :
[TRADUCTION] Comme cela a été déjà mentionné, l’accumulation des indemnités de départ pour le départ à la retraite et le départ volontaire est un avantage rare dans le secteur privé et le gouvernement est en train d’éliminer ce type de paiement. Il a été demandé aux sociétés d’État d’harmoniser leurs politiques relatives aux indemnités de départ avec les objectifs du gouvernement, et cette position a été communiquée à PBWC en mai et en juin 2011. Je recommande fortement à PBWC de se doter d’une politique claire quant aux dispositions concernant les indemnités de départ […]
Par ailleurs, en novembre 2011, le vérificateur général du Canada a aussi conclu que les deux indemnités de départ en cause « étaient excessives et ne témoignaient pas d’une gestion appropriée des ressources financières et des fonds publics ». M. Chrapko a expliqué que les représentants du vérificateur général du Canada n’avaient pas connaissance des facteurs financiers sur lesquels les décisions en cause étaient fondées. Toutefois, j’ai noté que M. Chrapko avait eu l’occasion de présenter son « analyse de rentabilité » aux représentants du vérificateur général, mais qu’il ne l’avait pas fait. De plus, M. Chrapko a admis ne pas avoir consulté le chef de la direction financière de PBWC afin de déterminer le coût de l’indemnité de départ du gestionnaire de projet ou les incidences que cette décision aurait sur PBWC.
Finalement, bien que M. Chrapko ait fait participer le CA à la décision relative à cette indemnité de départ et obtenu son « approbation », à titre de chef de la direction, c’est M. Chrapko qui était le responsable ultime de la gestion des ressources financières de PBWC.
En l’espèce, il était peut-être nécessaire de tenir compte des années de services du gestionnaire de projet pour établir son indemnisation de départ, mais compte tenu de l’absence de politique en matière de cessation d’emploi, de toute justification financière fondée et démontrée ainsi que de l’avis contraire de Transports Canada, je conclus que M. Chrapko a commis un acte répréhensible au sens de l’alinéa 8b) de la Loi lorsqu’il a accordé 75 semaines de salaire et d’avantages supplémentaires (c’est-à-dire 211 000 $ de fonds publics) au gestionnaire de projet en 2011. Les coûts du salaire de maintien en poste d’un an n’ont pas été inclus dans ce montant, car le gestionnaire de projet a travaillé en contrepartie de cet avantage à partir de septembre 2011 et l’entente a été annulée en décembre 2011, lorsque le gestionnaire de projet est parti à la retraite une deuxième et dernière fois.
Contravention grave d’un code de conduite
Pour décider si un acte ou une omission constitue une contravention « grave » d’un code de conduite, il faut tenir compte des éléments caractéristiques suivants :
- la contravention constitue un écart important par rapport aux pratiques généralement acceptées au sein du secteur public fédéral;
- les conséquences actuelles ou potentielles de la contravention sur les employés ou les clients de l’organisation en cause, ou sur la confiance du public, sont importantes;
- l’auteur allégué des actes répréhensibles occupe au sein de l’organisme un poste d’un niveau hiérarchique élevé ou nécessitant un niveau de confiance élevé;
- il ne fait aucun doute qu’une personne raisonnable conclurait que des erreurs graves ont été commises;
- la contravention des codes de conduite applicables est systémique ou chronique;
- il y a eu des contraventions répétées aux codes de conduite applicables, ou des contraventions multiples ont eu lieu sur une longue période;
- la contravention des codes de conduite applicables est intentionnelle ou insouciante.
La décision d’accorder deux indemnités de départ excessives à deux gestionnaires représente un écart appréciable par rapport aux pratiques généralement acceptées au sein du secteur public fédéral, compte tenu de ce à quoi la plupart des employés du secteur public auraient eu droit dans des circonstances semblables.
L’« analyse de rentabilité » présentée par M. Chrapko pour justifier les deux indemnités en cause peut raisonnablement être qualifiée de mal fondée et de déraisonnable (c.-à-d. une décision sans justification et fondée principalement sur les explications et le point de vue du gestionnaire de projet). De plus, M. Chrapko a fait fi ou mal interprété les conseils que Transports Canada lui avait fournis en mai et juin 2011 au sujet de l’accumulation des indemnités de départ pour le départ à la retraite et le départ volontaire. Cela étant dit, j’ai conclu que M. Chrapko a agi délibérément ou imprudemment lorsqu’il a décidé d’accorder deux indemnités de départ excessives aux deux gestionnaires en question.
J’estime aussi que la décision de M. Chrapko d’inclure 75 semaines supplémentaires de salaire et d’avantages (c.-à-d. 211 000 $) dans le calcul de l’indemnité de départ accordée au gestionnaire de projet en 2011 ne maintiennent pas et ne renforcent pas la confiance du public en l’intégrité, l’objectivité et l’impartialité du secteur public, surtout dans le contexte actuel de réductions budgétaires. De plus, ces décisions ont eu des incidences réelles ou potentielles sur les employés de PBWC, car le président de la section locale 501 de l’Alliance de la fonction publique du Canada est intervenu dans l’affaire et, en 2012, il a informé les membres de son syndicat des indemnités de départ excessives qui avaient été accordées par PBWC en 2011.
À titre de chef de la direction de PBWC, un poste de confiance, M. Chrapko doit être tenu à des normes de conduite très élevées et il aurait dû comprendre l’importance de bien administrer les fonds publics dans le contexte actuel. J’ai donc conclu que M. Chrapko a commis un acte répréhensible au sens de l’alinéa 8e) de la Loi lorsqu’il a choisi de faire des exceptions pour récompenser exagérément le gestionnaire de projet en 2011.
Conclusion
Les renseignements recueillis durant l’enquête démontrent que M. Chrapko a commis des actes répréhensibles au sens des alinéas 8b) et e) de la Loi lorsqu’il a accordé à deux gestionnaires de PBWC, en 2008 et en 2011, des indemnités de départ excessives totalisant plus de 650 000 $. Par contre, j’ai conclu que ces deux mêmes incidents ne constituaient pas un cas grave de mauvaise gestion par M. Chrapko, au sens de l’alinéa 8c) de la Loi.
Recommandation du commissaire
En l’espèce, la lacune principale que le Commissariat a relevée est l’absence de lignes directrices sur les indemnités de départ à PBWC. Cependant, en cours d’enquête, j’ai appris que le CA avait approuvé une politique sur les indemnités de départ à PBWC en février 2012.
Compte tenu de l’approbation en bonne et due forme de lignes directrices sur les indemnités de départ et des efforts actuels du Conseil du Trésor visant à participer aux négociations entre les sociétés d’État et leurs employés, j’ai décidé de ne faire aucune recommandation.
Commentaires supplémentaires fournis par PBWC
En l’espèce, il m’a été impossible de transmettre le présent rapport à l’administrateur général de PBWC pour lui donner l’occasion de présenter des observations, comme l’exige le paragraphe 38(3.2) de la Loi, car ce poste est vacant (selon le site Web du Bureau du Conseil privé, en date du 17 mai 2013).